SHELDON
Je me souviens très bien du jour où ma vie a changé. C’était il y a 15 ans. L’été venait de commencer.
J’étais dans un taxi, en route vers le centre-ville pour y admirer les voitures de course du Grand Prix. Impatient de rejoindre les festivités, j’ai descendu la rue Peel à pied et j’ai décidé de traverser un stationnement. Lorsque j’ai posé mon regard sur l’employé du stationnement, j’ai remarqué qu’il paraissait étrangement petit. Une seconde plus tard, je percutais un petit bloc de ciment et m’effondrais au sol, sachant immédiatement que je m’étais cassé la jambe. Une fois à l’hôpital, on a dû opérer mes fractures.
Cela a été l’un des épisodes les plus difficiles de ma vie. Et le pire, c’est que cet accident aurait pu être évité si j’avais laissé de côté mon orgueil et avais appris à marcher avec une canne blanche.
J’avais huit ans lorsque mes problèmes de vision se sont manifestés pour la première fois. Ça a commencé par une détérioration de ma vision nocturne. Puis, l’année suivante, j’ai commencé à avoir de la difficulté à m’adapter aux changements de luminosité lorsque je rentrais chez moi après l’école. Un délai est apparu dans le traitement des signaux visuels que mes yeux envoient à mon cerveau.
L’année suivante, le diagnostic est tombé : j’étais atteint de choroïdérémie, une condition rare qui entraîne une perte de vision progressive et, à terme, la cécité. C’est la même condition qui avait fauché la vision de mon grand-père. J’ai en mémoire les fois où nous allions le visiter. J’étais très jeune, mais je me souviens clairement de son manque d’autonomie.
La nouvelle du diagnostic a été très difficile pour toute la famille. Je n’oublierai jamais à quel point ma mère était triste. Pour ma part, j’étais très inquiet quant à mon avenir. J’avais peur de ne jamais pouvoir travailler avec mon père dans l’entreprise familiale – mon rêve de l’époque.
Durant mon adolescence, j’ai gardé ma déficience pour moi, informant très peu de gens de la situation. Pendant un certain temps, ma perte de vision a été plutôt minime, et j’ai pu poursuivre mes activités sans trop de problèmes. Étant donné que je ne pouvais pas suivre un ballon des yeux, je n’étais pas très doué pour les sports, mais cela ne m’empêchait pas de faire une foule d’activités, comme le ski, la bicyclette, la moto, et même conduire!
Malheureusement, autour de la mi-vingtaine, j’ai commencé à perdre ma vision périphérique : je ne pouvais voir que ce qu’il y avait droit devant moi. Je me suis mis à trébucher, à me heurter à des obstacles. On n’a pas tardé à me retirer mon permis de conduire.
L’équipe du Centre MAB-Mackay est absolument fantastique! Tout le monde s’est montré proactif et enthousiaste, m’aidant à conserver ma dignité et ma liberté de différentes façons. J’ai dû réapprendre un grand nombre de choses qui me semblaient autrefois acquises, comme étendre du dentifrice sur ma brosse à dents sans salir le lavabo, ou encore utiliser une fourchette sans faire tomber ma nourriture, m’évitant ainsi des situations gênantes. Une spécialiste en basse vision m’a même accompagné au restaurant pour que je puisse mettre en pratique mes techniques.
J’étais complètement écrasé. À mes yeux, c’était comme perdre une partie intégrante de mon autonomie, de ma liberté. C’était comme avouer au monde – et à moi-même – que ma condition était irréversible et qu’elle prenait le dessus. Je repensais à mon grand-père, je le revoyais si fragile, si vulnérable.
Ce n’était pas l’avenir dont je voulais.
J’ai résisté aussi longtemps que j’ai pu, mais après mon séjour à l’hôpital, je me suis rendu à l’évidence : il était temps que j’apprenne à me déplacer avec une canne blanche. Cela n’a pas été une décision facile, car je ne voulais pas qu’on me remarque, qu’on voit que j’étais vulnérable et que j’avais besoin d’aide.
Je me souviens de la honte et de la peur.
C’est à cette époque que j’ai communiqué avec le Centre MAB-Mackay, qui s’appelait à l’époque l’Association montréalaise pour les aveugles. Dès le tout début, les spécialistes du Centre se sont montrés à l’écoute de mes besoins et de mes appréhensions. Ils m’ont parlé des nombreux services et outils qui s’offraient à moi, et au fil des ans, j’ai eu la chance de rencontrer des spécialistes exceptionnels qui m’ont enseigné à vivre ma vie en toute sécurité sans compromettre mon autonomie.
C’est grâce à votre soutien que je peux maintenant vivre sans limites avec ma cécité! Au Centre, la première étape a été d’apprendre à marcher avec une canne blanche. Je dois admettre qu’au début, c’était plutôt terrifiant. Vous vous doutez bien que j’avais très peur de tomber du trottoir et de risquer de me faire frapper par une voiture. Mais petit à petit, j’ai développé mon écoute et ma compréhension des séquences des feux de circulation. J’ai aussi appris la bonne façon de m’engager dans une intersection à quatre arrêts.
Je me souviendrai toujours de la voix rassurante de mon instructeur. Aujourd’hui encore, je me remémore ses conseils et ses directives quand j’emprunte le trottoir ou les escaliers par moimême.
Je peux maintenant me déplacer avec confiance, mais cela me demande toujours une grande concentration. Lorsque je marche, je dois éviter de parler car je dois porter attention à ma canne et aux différents signaux de mon environnement.
À la maison, on m’a enseigné des techniques de cuisine, notamment pour couper les légumes en toute sécurité, ce qui me permet de participer activement à la préparation des repas. On m’a aussi montré comment classer mes vêtements par couleur pour que je puisse faire les bons choix quand vient le temps de m’habiller.
Et il y a la technologie, devenue incontournable dans ma vie. Aujourd’hui, les téléphones intelligents n’ont plus de secrets pour moi, et j’utilise une panoplie d’applications pour simplifier mon quotidien.
Pour m’aider à l’ordinateur, l’équipe du Centre m’a fourni un logiciel de magnification de texte, puis quand ma perte de vision est devenue trop avancée pour regarder l’écran, elle m’a fourni un lecteur d’écran. Grâce à cet outil, je peux travailler, naviguer sur Internet, échanger des courriels avec mes proches…et écrire cette lettre!
Les gens sont toujours impressionnés de voir à quel point je suis autonome. Je suis très fier de pouvoir me débrouiller seul, sans qu’on ait besoin de m’aider ou de me servir.
Bien entendu, mes apprentissages ne sont pas terminés. Ces derniers temps, la canne blanche a exacerbé mon arthrite, en raison des mouvements répétés et des vibrations. Pour que je puisse continuer à me déplacer sans douleur, ma spécialiste a trouvé un moyen de transférer le mouvement de mon poignet au haut de mon bras. De plus, puisque j’ai été contraint de passer beaucoup de temps à la maison à cause de la pandémie, une thérapeute est passée me voir pour m’apprendre à utiliser la cuisinière et des tasses à mesurer, ce qui m’a permis de faire quelques recettes moi-même.
En soutenant le Centre MAB-Mackay, vous m’avez offert des outils et des techniques qui m’ont permis de vivre une carrière stimulante et d’élever ma famille. Je vous en serai éternellement reconnaissant.
Perdre la vue est une expérience terrifiante. Aujourd’hui, il ne me reste que 10 % de ma vision – un pourcentage qui diminue d’année en année. Les choses que je parviens à discerner m’apparaissent floues. Même chez moi, je n’arrive pas toujours à déterminer la distance et le positionnement des objets.
Grâce à vous, je peux compter sur le Centre MAB-Mackay pour m’accompagner face aux difficultés. Son équipe dévouée m’a déjà permis d’accomplir une foule d’actions qui étaient au- delà de mes espérances. C’est très rassurant de savoir qu’ils seront là pour moi à l’avenir. Pour les gens comme moi qui vivent au quotidien avec la perte de vision et la cécité, votre générosité est essentielle.
Je vous remercie du fond du cœur.
Sheldon, 62 ans
Fier client du Centre MAB-Mackay