Marie-Hélène

Je m’appelle Marie-Hélène et je suis spécialiste en orientation et mobilité au Centre MAB- Mackay. Chaque année, j’ai la chance de travailler avec des personnes aveugles ou ayant une déficience visuelle, en les aidant à apprendre à se déplacer dans leur environnement en toute sécurité et avec confiance.

Si vous avez lu la lettre d’Enza que nous avons envoyé plus tôt ce printemps, vous vous souviendrez peut-être de son parcours. Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est que j’ai eu le privilège de l’accompagner pendant une grande partie de son cheminement.

Lorsque j’ai rencontré Enza pour la première fois, elle vivait déjà avec une perte de vision depuis plusieurs années.

Bien qu’elle soit légalement aveugle, elle travaillait à temps plein, était très autonome et incroyablement débrouillarde. Elle avait mis au point son propre système pour compenser sa condition : mémoriser les espaces, éviter les corridors achalandés, lire les documents importants tard le soir lorsque ses yeux étaient moins fatigués. Mais malgré tout cela, elle atteignait ses limites.

Enza sentait que sa perte de vision progressait. Les tâches quotidiennes devenaient de plus en plus difficiles, et les stratégies sur lesquelles elle s’était appuyée jusque-là ne suffisaient plus. Elle savait qu’il était temps de trouver de nouveaux outils pour rester indépendante. C’est alors qu’elle a demandé de l’aide au Centre MAB-Mackay.

Mon travail comme spécialiste en orientation et mobilité ne se limite pas à enseigner comment marcher de façon sécuritaire ou se déplacer dans la communauté. Il s’agit de redonner confiance et d’aider les gens à se reconnecter avec eux-mêmes.

Lors de notre première rencontre, Enza m’a dit qu’elle n’était pas prête à utiliser une canne blanche. Pour de nombreuses personnes, y compris Enza, une aide à la mobilité représente un changement majeur. Ce n’est pas seulement un changement dans leur façon de se déplacer, mais aussi dans la manière dont elles sont perçues. À ce moment-là, elle pensait pouvoir
continuer avec quelques nouvelles stratégies. Nous avons alors tenté une approche différente, nous avons commencé par bâtir un lien de confiance.

Nous avons examiné ce qui fonctionnait encore pour elle, et ce qui ne fonctionnait plus. Nous avons parlé ouvertement de ses besoins, de ses objectifs et du type de soutien qui pourrait l’aider à retrouver la liberté qu’elle sentait lui échapper.

Au Centre MAB-Mackay, il n’y a pas de formule unique. Chaque personne est différente. Mon rôle est de rencontrer chacun là où il en est et de l’aider à progresser à son rythme, selon ses propres termes. C’est un processus graduel fondé sur l’honnêteté, la collaboration et l’écoute.

Peu à peu, Enza a changé de perspective. Lorsqu’elle a finalement décidé qu’elle était prête à apprendre à utiliser une canne blanche, quelques mois plus tard, elle s’est engagée pleinement.

Nous avons commencé dans des lieux familiers, à l’intérieur du Centre MAB Mackay : dans le gymnase, les corridors, et en montant et descendant les escaliers. Puis nous sommes passées au quartier environnant. Une fois qu’elle a bien maîtrisé les techniques, nous avons poursuivi dans sa propre communauté : marcher jusqu’à chez sa sœur et son père, visiter les épiceries et les boutiques du coin, naviguer dans des stations de métro comme Mont-Royal et Sherbrooke, où elle rencontrait des amis ou suivait des cours de poterie. Elle a un excellent sens de l’orientation et elle a travaillé fort pour maîtriser chaque trajet.

Je n’oublierai jamais le jour où Enza est arrivée à une séance et m’a annoncé qu’elle était rentrée seule chez elle le soir, qu’elle avait fait le trajet du métro jusqu’à chez elle par ses propres moyens.

Cela peut sembler banal, mais pour une personne vivant avec une déficience visuelle, se déplacer de façon autonome après la tombée de la nuit est une réalisation incroyable. Ce trajet ne portait pas seulement sur la mobilité. Il s’agissait de reprendre possession de son espace, de retrouver la confiance en soi et de vivre selon ses propres termes.

Nous avions travaillé ensemble sur les déplacements de nuit. La vision sur laquelle Enza comptait le jour n’était plus suffisante dans l’obscurité, alors elle a appris d’autres stratégies. Elle a appris à se guider avec les sons de la circulation et la lueur des lumières de la ville pour rester orientée et en sécurité. Mais cette dernière étape, sortir seule, par choix, c’est elle seule
qui l’a franchie.

Je ne tiens jamais ces moments pour acquis.

Ces transformations ne se produisent pas du jour au lendemain. Elles demandent du temps, de la constance et un accompagnement personnalisé. Un accompagnement rendu possible uniquement grâce à des donateurs.

Le générosité envers la Fondation Habilitas permet d’offrir une formation essentielle en orientation et mobilité à des personnes comme Enza. Elle leur permet d’aller là où elles le souhaitent, de faire ce qu’elles aiment et de reprendre pleinement part au monde.

Grâce à vous, nous pouvons offrir à chacun les outils, le temps, les conseils et la flexibilité nécessaires pour progresser à son propre rythme. Mais ils sont encore nombreux à attendre ce premier pas.

Aujourd’hui, Enza est à la retraite et épanouie. Elle continue à vivre activement, à contribuer de façon significative et à redonner à la Fondation qui l’a soutenue durant l’un des moments les plus difficiles de sa vie.

Son histoire n’est qu’une parmi tant d’autres. Et aujourd’hui, vous avez le pouvoir d’écrire la prochaine.

Marie-Hélène
Spécialiste en orientation et mobilité, Centre MAB-Mackay

P.S. Prenez un moment pour imaginer à quel point votre vision est essentielle dans votre quotidien et ce que cela représenterait de la perdre. Comment vous déplaceriez-vous en toute sécurité chez vous ou dans votre quartier? Depuis plus de 100 ans, le Centre MAB-Mackay contribue à l’autonomie, à la dignité et à la qualité de vie des personnes vivant avec une cécité ou une déficience visuelle.